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Zoom sur la rupture conventionnelle : procédure et dernières évolutions

Le 27 avril 2022

Au titre de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008, employeur et salarié sous contrat à durée indéterminée peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. Cette rupture dite « conventionnelle » est exclusive du licenciement et de la démission et ouvre droit aux allocations chômage de droit commun[1].

 

L’objectif premier était de donner un cadre juridique à certaines modes de ruptures amiables déjà existantes (résiliation à l’amiable, licenciement consensuel masquant une démission, …) et d’ouvrir un potentiel nouveau champ de négociations aux non-cadres, la transaction après rupture étant statistiquement plutôt réservée aux cadres.

 

De 2009 à 2014, le nombre de ruptures homologuées chaque année passaient de 192 000 à 333 000[2] pour atteindre la barre des 400 000 en 2017 (444 000 en 2019 tandis que pendant la même période le nombre de licenciements pour motif économique baissait). La simplicité apparente de cette procédure explique en partie son succès

 Rappel de la procédure

 1. Entretiens préparatoires.

L’employeur et le salarié doivent en pratique convenir d’un entretien pour fixer le principe et les modalités de la rupture conventionnelle[3].

Le salarié doit donc être convoqué par écrit pour des raisons évidentes de preuve. Rien n’interdit à l’employeur de prévoir deux entretiens afin de garantir le libre consentement des parties. Toutefois, La rupture conventionnelle peut être signée à l’issue d’un seul entretien. Ces entretiens doivent se tenir durant les heures de travail et si possible au sein de l’établissement concerné ou au siège de la société.

Selon la circulaire ministérielle du 22 juillet 2008, l’employeur doit informer le salarié de la possibilité dont il bénéficie de se faire aider par le service public de l’emploi pour recueillir des informations sur les conditions et les conséquences de sa décision. A ce titre, il peut se faire assister lors de l’entretien par :

  • Une personne de son choix faisant partie du personnel de l’entreprise,
  • Ou en l’absence de représentants du personnel au sein de la société, par un conseiller de salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative et qu’il peut se procurer, à la mairie du siège de la société ou auprès de l’Inspection du Travail.

L’employeur peut également se faire assister lors de l’entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, ou dans les sociétés de moins de 50 salariés par :

  • Une personne appartenant à son organisation syndicale,
  • Un autre employeur relevant de la même branche.

2. Convention de rupture.

La convention de rupture prend la forme d’un formulaire CERFA (exemplaire en annexe). Celle-ci fixe les conditions de la rupture et notamment la date de rupture convenue de même que le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle.

a. Date de rupture.

La date de rupture ne peut intervenir au plus tôt que le lendemain de l’homologation de la convention. Sous cette réserve, les parties sont libres de fixer la date de rupture qui leur semble le plus appropriée.

La demande d’homologation est effectuée au moyen d’un formulaire règlementé par un arrêté du 18 juillet 2008 qui comporte quatre parties :

  1. Des informations relatives aux parties à la convention (nom, prénom et qualités du salarié et de l’employeur, et à leurs éventuels assistants (conseiller de salarié notamment),
  2. Des informations sur le déroulement des échanges,
  3. Des informations sur le contenu de la convention,
  4. Une partie réservée à la décision du Directeur Départemental du Travail.

b. Indemnité de rupture.

1. Montant

La rupture conventionnelle homologuée est assortie du versement d'une indemnité spécifique, dont le montant minimum est fixé par le montant de l'indemnité légale de licenciement, soit ;

  •  1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années
  • 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de la 11e année

Calculée sur la base du salaire moyen le plus favorable des 12 ou des 3 derniers mois (cf. le simulateur de calcul d’indemnité[4]).

Dans les entreprises relevant de branches d'activité représentées par le Medef, la CGPME ou l'UPA, le salarié doit bénéficier au minimum du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement s'il est supérieur à celui de l’indemnité légale. [5]

2. Régime fiscal et social

Le régime favorable de l’indemnité de rupture conventionnelle n’est applicable que si le Salarié n’est pas en droit de solliciter sa retraite à taux plein à la date de rupture de son contrat de travail. Dans cette hypothèse en effet, le salarié supporte à la fois les charges sociales comprenant la CSG-CRDS et l’impôt sur le revenu.

Dans le cas contraire qui constitue la majorité des cas, l’indemnité de rupture conventionnelle

  • Est exonérée de CSG-CRDS dans la limite de l’indemnité conventionnelle de licenciement
  • Est exonérée de charges sociales dans la limite de 2 PASS (82 272.00 € en 2022)
  • Est exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite de :

a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de 6 PASS en vigueur à la date du versement des indemnités ;

b) Soit le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

L’indemnité est exclue de l’ensemble de ces exonérations si son montant dépasse 10 PASS (411 360.00 € en 2022)

c. Signature et délai de rétractation.

Depuis le 1er avril 2022, les demandes de ruptures conventionnelles devront être obligatoirement télétransmises via TéléRC[6].

Une fois rempli, le formulaire personnalisé devra être :

  • Téléchargé (format PDF)
  • Puis imprimé, signé par l'employeur et le ou la salarié(e),
  • Et enfin envoyé à l'issue du délai de rétractation, au service dont les coordonnées auront été indiquées à la fin de la saisie.

La circulaire DGT n° 2008-11 du 22 juillet 2008 relative à l’examen de la demande d’homologation d’une rupture conventionnelle d’un contrat de travail à durée indéterminée rappelle qu’il est « impératif pour chaque partie de dater, signer et porter la mention "lu et approuvé" de façon manuscrite »[7].

L'employeur et salarié doivent disposer d’un exemplaire signé[8] et daté[9] de la convention. Sous peine de nullité, l’employeur doit donc se ménager une preuve de la remise d’un exemplaire au salarié[10].

A compter de la date de signature de ce formulaire, chacune des parties peut se rétracter, sans avoir à motiver, dans un délai de 15 jours calendaires, par lettre recommandée avec avis de réception ou -lettre remise en main propre contre décharge datée (cf. le simulateur de calendrier de procédure[11]).

Le lendemain de la fin du délai de rétractation, la partie la plus diligente peut adresser la convention à l'autorité administrative par télé-déclaration sur le site de TéléRC : https://www.telerc.travail.gouv.fr/accueil (N.B. : l'accès aux données saisies est limité à 8 jours)

3. Homologation de la convention.

La validité de la convention de rupture conventionnelle est subordonnée à son homologation par la Direction Régionale du Travail (DRIEETS) du lieu où est établi l’employeur [12].

La DRIEETS dispose d’un délai de 15 jours ouvrables pour examiner la convention. La DRIEETS vérifie l’ensemble des conditions de négociation, de conclusion et de validité de la convention de rupture conventionnelle. Si la DRIEETS rejette la convention, ce rejet doit être notifié par écrit et être motivé.

A défaut de rejet dans le délai imparti de 15 jours ouvrables, l’homologation de la convention est réputée acquise. La décision d’homologation peut toutefois être explicite, validant ainsi automatiquement la convention de rupture.

4.  Conséquences de l’homologation de la convention.

a-  Fin du contrat. Date de départ effectif

Même si aucun préavis n’est dû, le contrat de travail ne peut prendre fin avant la date d’homologation par la DRIEETS. A l’issue du contrat, le salarié se voit remettre par l’employeur :

  • Un reçu pour solde de tout compte comportant les salaires et indemnités lui restant dus (solde de RTT, congés payés, compte épargne temps, etc.), comprenant son indemnité de rupture conventionnelle,
  • Son certificat de travail,
  • Son attestation Pôle Emploi.

b.  Assurance-chômage

Si et dès que la convention est homologuée, la loi prévoit le versement des allocations d’assurance chômage dans les conditions de droit commun après application des délais de carence.

c.  Compte personnel de formation.

Le salarié garde le bénéfice de son CPF après la rupture ou le terme de son contrat de travail et peut mobiliser les heures de formation pendant sa période de prise en charge par le régime d'assurance chômage pour suivre une action de formation, de qualification et/ou de validation des acquis de l'expérience (VAE).

 d. Litiges relatifs à la convention.

Même après homologation, le salarié peut en contester la validité. Il dispose d’un délai d’un an à compter de la date d’homologation pour saisir la juridiction compétente : le Conseil de Prud’hommes du ressort de l’établissement ou du siège de l’employeur.

Le recours juridictionnel devant le conseil de prud’hommes doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de 12 mois, durée de la prescription à compter de la date d’homologation ou du refus de la convention.

La jurisprudence de la Cour de Cassation a, depuis 2008, apporté un certain nombre de précisions sur les causes de nullité de la convention de rupture conventionnelle dans deux domaines principaux :

  • Le respect de la procédure (cf. le rappel de la procédure et la jurisprudence précitée),
  • L’absence de vice du consentement.

Pour se concentrer sur ce dernier domaine, et bien que la Cour de cassation ait admis qu’une situation conflictuelle au moment de la signature de la rupture conventionnelle ne signifie pas nécessairement que le consentement du salarié soit vicié[13], rappelons que la nullité de la convention est potentiellement encourue notamment en cas de :

  • Signature obtenue par la promesse de versement d’une contrepartie financière à la clause de non-concurrence que l’employeur n’a finalement pas accordé une fois la rupture conventionnelle devenue définitive et après avoir adressé au salarié un avertissement se concluant par une incitation à rompre son contrat de travail [14],
  • Signature de la rupture conventionnelle en cas d’altération des facultés mentales du salarié [15]
  • Signature de la rupture conventionnelle dans un contexte de harcèlement sexuel subi par une salariée[16].
  • Signature de la rupture conventionnelle alors qu’un plan de sauvegarde de l’emploi est en préparation [17]

La nullité de la rupture conventionnelle produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec application des montants fixés par le barème Macron (dans l’attente de la décision prochaine de la Cour de Cassation en la matière – 11 mai 2022)

La Cour de cassation rappelle que la nullité de la rupture conventionnelle emporte l’obligation, pour le salarié, de restituer l’indemnité de rupture conventionnelle qu’il a perçue[18].

Le cabinet LSC AVOCAT est à votre disposition pour négocier au mieux et vous accompagner dans ce processus de rupture conventionnelle.

  


Notes :
[1] Articles L1237-11 à L1237-16 du Code du Travail.
[2] Chiffres arrondis. Source : DARES
[3] Article L 1237-12 du Code du Travail
[4] https://www.telerc.travail.gouv.fr/simulateur/indemnite
[5] Avenant n° 4 à l'ANI du 11-1-2008 étendu par arrêté du 26-11-2009 ; Inst. DGT 2009-25 du 8-12-2009
[6] https://www.telerc.travail.gouv.fr/accueil
[7] Cour d’appel de Lyon ch. Soc. 23 septembre 2011 n°10/09122.
[8] Cass. Soc. 3 juillet 2019, n°17-14232
[9] Cass. Soc. 27 mars 2019 n°17-23586
[10] Cass. soc., 6 février 2013, n°11-27000
[11] https://www.telerc.travail.gouv.fr/simulateur/calendrier
[12] Article R 1237-3 du Code du Travail.
[13] Cass. Soc., 26 mars 2014, 12-21.136.
[14] Cass. Soc., 9 juin 2015, n° 14-10.192.
[15] Cass. Soc., 16 mai 2018, n° 16-25.852.
[16] Cass. Soc. 4 novembre 2021 n° 20-16.550.
[17] Cass. Soc., 6 janvier 2021, 19-18.549
[18] Cass. Soc. 30 mai 2018, n°16-15273

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